Syrie : le droit et la morale

Tout ça pour rien ?

Après le débat à l’Assemblée nationale concernant l’attaque de la Syrie, nos journalistes ont découvert un nouvel antagonisme qui était encore inconnu au bataillon : la « morale » contre le « droit ». Le Président et sa meute socialiste incarneraient la « morale », et l’UMP le « droit ».  Ainsi donc il serait devenu « moral » de violer le droit. Voilà une approche nouvelle pour la bourgeoisie, et particulièrement pour le Parti socialiste.

Quel est donc ce droit international qu’ils dénigrent ? Une bagatelle, peut-être, que ces lignes inscrites dans notre constitution, la loi suprême de notre pays, supérieure même aux décisions du Président et l’Assemblée nationale !

« 14. La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international. Elle n’entreprendra aucune guerre dans des vues de conquête et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple.

15. Sous réserve de réciprocité, la France consent aux limitations de souveraineté nécessaires à l’organisation et à la défense de la paix. »

Il va sans dire que si le gouvernement français venait à outrepasser les limitations de souveraineté que lui imposent le droit international en décidant, sans l’aval du Conseil de sécurité, d’attaquer la Syrie, il deviendrait immédiatement hors-la-loi. A vrai dire, un examen attentif des principes du droit international montre que l’action du gouvernement viole depuis plus de deux ans les principes que notre nation et le monde se sont donnés à l’issue de la dernière guerre mondiale, en ayant d’abord reconnu une opposition illégitime, en ayant aidé par des livraisons de matériel militaire, par le financement, par un soutien logistique et politique, les activités armées de bandes subversives visant à renverser le gouvernement d’un Etat souverain. Et maintenant en menaçant de l’attaquer directement.

Ces principes ont été inscrits dans les Charte des Nations Unies, et rappelés à plusieurs reprises par l’Assemblée générale de l’ONU, notamment dans sa résolution 2625 (XXV), « Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies ». Des principes qu’il est bon de rappeler :

« L’Assemblée générale, convaincue que le respect rigoureux, par les Etats, de l’obligation de s’abstenir d’intervenir dans les affaires de tout autre Etat est une condition essentielle à remplir pour que les nations vivent en paix les unes avec les autres, puisque la pratique de l’intervention, sous quelque forme que ce soit, non seulement constitue une violation de l’esprit et de la lettre de la Charte, mais encore tend à créer des situations qui mettent en danger la paix et la sécurité internationales […] proclame solennellement les principes ci après […]

 Une guerre d’agression constitue un crime contre la paix, qui engage la responsabilité en vertu du droit international […] Les Etats ont le devoir de s’abstenir d’actes de représailles impliquant l’emploi de la force […] Chaque Etat a le devoir de s’abstenir d’organiser ou d’encourager l’organisation de forces irrégulières ou de bandes armées, notamment de bandes de mercenaires, en vue d’incursions sur le territoire d’un autre Etat. Chaque Etat a le devoir de s’abstenir d’organiser et d’encourager des actes de guerre civile ou des actes de terrorisme sur le territoire d’un autre Etat, d’y aider ou d’y participer, ou de tolérer sur son territoire des activités organisées en vue de perpétrer de tels actes […] Aucun Etat ne peut appliquer ni encourager l’usage de mesures économiques, politiques ou de toute autre nature pour contraindre un autre Etat à subordonner l’exercice de ses droits souverains et pour obtenir de lui des avantages de quelque ordre que ce soit. Tous les Etats doivent aussi s’abstenir d’organiser, d’aider, de fomenter, de financer, d’encourager ou de tolérer des activités armées subversives ou terroristes destinées à changer par la violence le régime d’un autre Etat ainsi que d’intervenir dans les luttes intestines d’un autre Etat […] Tout Etat a le droit inaliénable de choisir son système politique, économique, social et culturel sans aucune forme d’ingérence de la part d’un autre Etat. »

Que l’on nous explique maintenant comment un gouvernement violant délibérément un droit international fondé sur des principes aussi honorables que ceux-là, et bafouant par là même ceux de notre constitution, peut espérer attendre des Français qu’ils respectent les lois de leur propre pays ? Il n’y a là pas plus de droit que de morale.

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